Julie Robert enrichit sans cesse son travail de nouvelles techniques et invite de nouvelles matières pour donner vie à des œuvres époustouflantes. Au travers de cette interview, Julie Robert se livre sur son travail, son parcours et ses inspirations pour nous offrir une lecture passionnante.
L’ESSENCE, SA GENESE
✦ Quel est ton parcours et quel a été le déclic qui t’a amenée à l’art et à la création ?
J’ai commencé des études d’art et d’histoire de l’art à la fac d’Aix-en-Provence, mais un évènement ne m’a pas permis de continuer, et, un peu rebelle dans l’âme, pas très scolaire, j’avais envie de faire les choses par moi-même. J’ai commencé par la peinture et la photographie, puis les rencontres de la vie m’ont amenée à Paris où j’ai d’abord découvert le fabuleux mais difficile métier de costumière de cinéma et styliste photo dans la publicité. J’ai été assistante pendant quelques temps dans un énorme stock de vêtement de luxe pour le cinéma (Alexander McQueen, Dior, Chanel, etc), puis j’ai été embauchée par des stylistes pour être leur assistante. C’est ici que le mot création a pris tout son sens et que mes premières émotions textiles ont commencé.
✦ Comment en es-tu venue à travailler la laine ?
Lorsque j’étais assistante styliste, j’ai fait un voyage en Islande qui a chamboulé ma vie. Les paysages, les odeurs, l’histoire et surtout la rencontre avec un métier à tisser et la laine pure, brute m’a donné des idées de création, comme une envie de revenir à la peinture mais en utilisant ces matières. Je savais coudre mais pas tricoter, crocheter ou tisser. J’ai appris sans relâche le tissage à l’aide de vidéos et de recherches intensives à la bibliothèque Pompidou ! Je me suis inspirée d’artistes américaines comme Sheila Hicks ou même d’artistes peintres comme Nicolas de Staël pour ses formes épurées.
✦ Quel est ton processus de création ?
Mon processus de création est avant tout lié au toucher de la matière. J’ai dans mon atelier une immense étagère remplie de pelotes de laine et de cônes de coton où je sélectionne de manière intuitive les couleurs et matières. Mon univers est très doux mais j’aime parfois twister avec une couleur peps.
✦ Décris-nous ton atelier, quel est ton environnement de travail et dans quelles conditions aimes-tu créer ?
Mon atelier est situé sur mon terrain, je sors de chez moi, je fais quelques mètres et j’accède alors à un ancien garage avec 3m de hauteur sous plafond. J’ai tout d’abord mon cadre pour maintenir ma base de travail, je peux travailler des pièces de 260 cm de large et 240 cm de haut. Derrière il y a du rangement et une table. Mes rangements sont réfléchis pour me faire gagner le plus de temps possible. J’ai un mari très organisé qui m’a créé tout cela de A à Z en fonction de mes besoins (j’ai beaucoup de chance).
✦ T’arrive-t-il de « rater » des œuvres ?
Oui cela m’arrive. Souvent c’est quand je me précipite et que je veux faire pour faire… C’est très rare, en 10 ans cela a dû m’arriver 3 fois.
SES INFLUENCES
✦ Quelle œuvre d’art choisirais-tu pour t’accompagner toute la vie ?
Ce serait bien trop difficile de répondre à cela car je suis autant fan de photographie, de peinture ou d’art textile. En photographie je dirais une photo de Sarah Moon, ses flous artistiques sont magnifiques, les silhouettes sont sublimées et c’est très inspirant. En peinture je dirais les nuages de Gerhard Richter, je suis bluffée par sa technique. En art textile, n’importe quelle œuvre de Vanessa Barragao !
✦ Quelle est l’exposition, l’artiste ou l’œuvre qui t’a le plus émue ?
À 19 ans je suis partie seule à Londres pour faire un stage avec un photographe. J’ai visité la Tate Gallery et j’ai découvert les œuvres d’Alexander Calder, ses mobiles design. Je devais être dans une période un peu entre deux, en balancement car ça m’a énormément touchée : le mouvement et les couleurs qui se reflétaient sur le mur m’ont donné des frissons incroyables. Je me suis alors dit que l’art avait clairement un impact sur mes émotions ! Mais c’est lorsque j’ai découvert la tapisserie géante de Miró, en 2018, à la fondation de Barcelone, que j’ai littéralement fondu en larmes, en me disant : c’est ton rêve, tu vas y arriver.
✦ Une pièce de mobilier design qui te fait rêver ?
Je vais parler de design au sens mode. Je dirais une robe haute couture « vintage » d’Alexander Mc Queen. J’ai eu la chance d’en voir et d’en manipuler plusieurs et c’est de l’art pur, du design incroyable !
✦ Un endroit qui t’inspire et te ressource ?
Chez moi, mon sud. Lorsque j’ai commencé l’art textile j’étais à Paris mais je me sentais cloisonnée et loin de ma famille. J’ai tout quitté pour retourner dans mon sud comme j’aime le dire, à Toulon, près de la mer.
✦ Une couleur de prédilection ?
Une seule ? Aie… Le beige et toutes ses nuances.
LAST BUT NOT LEAST !
✦ Quelle est la journée type de Julie Robert ?
Je me lève, je m’occupe de mes enfants jusqu’à les déposer à l’école. Ensuite je me fais un café et je commence soit avec mes mails, soit directement à l’atelier. Je pose mon casque réducteur de bruits sur mes oreilles, soit je n’écoute rien et je reste dans ma bulle, soit j’écoute des podcasts divers et variés. Le midi, j’aime m’accorder une vraie pause. Je cuisine (passion) et je prends le temps de manger. Mon emploi du temps est ultra chargé entre les enfants et le travail, et même si je ne suis pas seule, c’est du sport !
✦ Avec ton expérience du monde de l’art, que dirais-tu à un artiste qui se lance aujourd’hui ?
Je dirais avant tout d’écouter son instinct, de s’inspirer sans copier et d’être patient tout en pratiquant quotidiennement. Afficher son travail sur les réseaux sociaux sans que cela ne soit un supplice et avancer. Faire des rencontres petit à petit sans aucune pression.
✦ Des projets à venir ?
Je participe à la biennale internationale Révélations en mai 2025, où je vais exposer deux œuvres monumentales. J’ai hâte !